Par Jon Kieren

Vous êtes à 100 m (330 pieds) sous la surface. Vous entendez une nuée massive de bulles derrière votre tête. Ceci peut se résoudre de deux manières.

  • Une manière est de commencer par se signaler à son coéquipier et de maintenir sa position dans la colonne d’eau (rester stabilisé). Vous passez les mains derrière la tête et fermez ce que vous pensez être le robinet affecté. Avec votre coéquipier, vous identifiez et isolez la panne. Vous communiquez clairement le problème au sein de l’équipe. Tout le monde sait quelles ressources ont été affectées (l’approvisionnement en gaz, la wing, l’inflateur de la combinaison étanche, etc). La plongée prend fin et vous commencez à remonter.
  • L’autre manière ? C’est quand les choses ne se passent pas comme prévu.

Quand rien ne se passe comme prévu

Quand l’incident se produit, votre stabilisation est perturbée.

  • Pendant que vous atteignez le robinet fuyant pour le fermer, vous perdez de vue votre équipe. Ce faisant, vous perdez vos points de références pour votre stabilisation.
  • Pendant que vous vous efforcez de fermer votre robinet, le stress monte. Le CO2 commence à s’installer dans votre système sanguin à mesure que vos fréquences cardiaque et respiratoire augmentent.
  • Une vision « tunnel » peut s’installer, votre stabilisation commence à se modifier du fait de la modification de votre ventilation. A cause de votre palmage désordonné et inconscient, vous commencer à remonter. Vous êtes tellement focalisés sur la fermeture du robinet que vous ne vous rendez pas compte que vous remontez.
  • Quand vous réalisez votre ascension, le stress augmente et la panique peut s’installer. Vous n’êtes plus en mesure de gérer la situation de façon rationnelle.
  • Au lieu de rectifier votre stabilisation et de gérer votre remontée, vous continuez d’essayer de fermer le robinet. Votre remontée devient rapide et incontrôlable.

Quand vous atteignez la surface, vous êtes mort.

Cette situation peut se produire dans une grande variété de circonstances.Les petites erreurs et échecs peuvent rapidement évoluer vers une urgence. Ceci est valable que vous soyez sur une épave, en eaux profondes, au fond d’une grotte ou même dans peu de fond.

Lorsque nous regardons les accidents et incidents en plongée, une défaillance d’équipement n’est quasiment jamais la cause finale d’un incident fatal.  De telles défaillances sont souvent la succession d’erreurs en chaîne qui précipitent une situation inconfortable en situation fatale.

Nous catégorisons souvent ces accidents comme des erreurs humaines. Nous pensons : « C’était stupide. Ce n’est pas comme ça que j’aurais dû réagir. J’aurais dû être capable de contrôler ma stabilisation. Je suis génial »

Le concept du « gouffre d’incident »

A la conférence du « British Sub Aqua Club Diving Officers » de 1973, E. JohnTowse introduit le concept du « gouffre d’incident ». Ce concept explique que lorsqu’un problème survient et qu’il n’est pas géré correctement, il devient de plus en plus difficile à gérer.

Nous glissons plus profondément dans le gouffre, incapable de s’extraire ou d’extraire les coéquipiers de cette situation et elle devient potentiellement fatale. Ce concept est facile à visualiser mais beaucoup d’entre nous ont tendance à oublier où la vraie défaillance réside : la STABILISATION.

Lors du déroulement d’une plongée, nous évoluons au premier niveau du gouffre d’incident. Nous gérons les situations normales comme la communication, les modifications de stabilisation, les choix d’orientation, etc. avec relativement d’aisance.

Mais ce que nous réalisons peu, c’est qu’avec une grande attention portée à la gestion de la stabilisation et de l’équilibre, notre capacité à traiter des tâches complexes comme les problèmes matériels est plus limitée. On se fait sortir de l’épave ou de la ligne de remontée à cause du courant, ou on réalise une remontée incontrôlée. Un problème mineur peut créer une situation d’urgence.

Comment résoudre un problème en environnement extrême ?

Commencer avec une base solide de fondamentaux. S’entraîner jusqu’à la maîtrise des bases comme les Valve Drills (fermeture des robinets, manipulation du robinet de manifold) et S-Drills (Safety Drills : donner de l’air ou en recevoir quelle que soit la situation), le tout avec le maintien de sa position. Il faut être capable de réagir sans nager (mouvement de godille avec la main), palmer ou se concentrer de manière inadaptée sur sa stabilisation et son Trim (équilibre, mise à plat).

Respirer des mélanges gazeux à faible END (Equivalent Narcotic Depth : Profondeur équivalente à l’air) et à faible densité (bonne adéquation du mélange Trimix avec la profondeur max).

Ce faisant, vous serez capables de vous concentrer sur le problème qui se présente à vous. Vous serez capable d’évaluer la situation, d’analyser quelles ressources sont disponibles (sur vous ou votre coéquipier) et de réaliser l’action décisive qui résoudra la situation.

La plupart du temps, il ne vous arrivera rien. Cependant les problèmes se produisent lorsque vous plongez, c’est la nature de ce sport. Ne pas mettre l’accent sur le travail des fondamentaux c’est vous préparer à l’échec lors de la confrontation à ces situations.

C’est votre responsabilité de plongeur et de coéquipier de maintenir l’acquisition de ces compétences.

Lire l’article original (en anglais) : cliquez-ici

Article traduit par le C.A.P. Port-Vendres